
Nouvelle olympiade, nouvelles règles et nouveau staff de l’équipe de France, ce Paris Grand-Slam aura le mérite, malgré l’absence de nombreuses têtes de série, d’être intéressant à d’autres égards.
Avec une sélection française très variée, suite d’une part aux résultats des championnats de France 2024 et d’autre part aux choix des entraineurs, tous les combats pouvaient être intéressants pour voir qui assumerait son rôle de leader et qui saisirait l’occasion de faire un coup d’éclat. Retour sur le déroulé des combats de l’équipe de France.
Les phases préliminaires
-48 kg
La catégorie des -48 kg était la seule catégorie féminine de la journée à voir engagée une athlète olympique française, en la personne de Shirine Boukli.
Celle-ci était opposée pour son premier combat à l’Espagnole Gomez, qu’elle contrôle parfaitement. Emmenée dans le golden score, la Française sortira vainqueur après que son adversaire ait accumulé trois shidos. En quart de finale, elle se montre plus active contre l’Américaine Laborde qu’elle immobilise sur tate shiho gatame pour ippon.
En demie, elle retrouve la Japonaise Wakana Koga, qu’elle avait battu ici même en finale lors de l’édition 2024. Une fois encore, Boukli sort vainqueur après avoir conservé un yuko marqué en début de combat jusqu’à la fin du temps réglementaire.
Un résultat plus amer pour les autres tricolores en lice puisque Anais Perrot s’incline dès le premier tour face à la Japonaise Kondo, finaliste du jour et les sœurs Gilly au stade des 8e de finale.
-52 kg
En -52 kg, aucune des françaises ne parvient à passer le stade des 8e de finale. Pourtant, Léa Beres avait réalisé un très bon premier tour en sortant l’expérimentée Serbe Nikolic au jeu des shidos. Plus sollicitée physiquement dans le combat suivant, elle n’a pas d’autre choix que d’aller chercher son adversaire mais fini par se faire contrer.
Astride Gneto et Alyssia Poulange connaissent le même parcours en remportant leur premier combat et s’inclinant ensuite, contre les futures demi-finalistes. Julie Weill dit Morey bute quant à elle lors de son entrée en lice face à la Mongole Bayanmukh, encaissant 3 pénalités synonymes de hansokumake.
-57 kg
Dans une catégorie féminine des -57 kg restreinte en termes de combattantes, Ophélie Vellozzi est la première française à s’illustrer. Opposée à la Hongokaise Yeung, elle met en œuvre un ne waza efficace pour décrocher la victoire.
Quelques instants plus tard, elle est imitée par Faiza Mokdar, tombeuse de l’Espagnole Marta Garcia Martin. La Française se montre beaucoup plus active et projette pour waza-ari avant d’assurer la victoire avec immobilisation solide.
Martha FAWAZ, enchaine directement sur le même tatami, face à une adversaire mongole peu active. Les shidos s’accumulent contre cette dernière, ce qui n’empêche pas la Française de conclure avec un harai-goshi victorieux.
Malheureusement, ça ne passe pas pour la dernière engagée tricolore de la catégorie Chloé Devictor. Face à la Japonaise Adachi, vainqueur du prestigieux Grand-Slam de Tokyo en décembre 2024, elle ne peut que subir la puissance et s’incline par hansokumake après avoir vu les shidos s’accumuler contre elle.
Fawaz et Mokdar se trouvent donc opposées au stade des quarts de finale, et c’est la première qui l’emporte par soumission. Dans sa lancée, Fawaz écarte également Vellozzi au stade des demi-finales au jeu des pénalités et confirme sa forme du moment.
Après un passage par les repêchages, Mokdar retrouve le bloc final et peut espérer repartir en bronze si elle bat la Japonaise Fuchida.
-63 kg
La marche était un peu haute pour Rania Drid (-63 kg) qui s’incline face à la Kosovarde Gjakova. Défaite au 1er tour aussi pour Gaëtane Deberdt face à l’Israélienne Shmesh pourtant à sa portée.
Melkia Auchecorne met du temps à trouver la faille face à la Coréenne Heo pour son premier combat, mais fini par placer un o-uchi-gari décisif qui scelle sa victoire. Au tour suivant, elle s’impose de nouveau par ippon grâce à un waza ari bien suivi en liaison debout-sol. C’est encore en ne waza que se conclura son quart de finale contre la Japonaise Kaju, mais cette fois-ci en sa défaveur. Elle parviendra néanmoins à remporter son combat de repêchage pour s’offrir l’opportunité de combattre pour le bronze contre l’autre japonaise engagée, Megu Danno.
La meilleure performance de la catégorie à ce stade, côté français est à mettre au crédit de Manon Deketer, qui enchaine les victoires pour se hisser jusqu’en finale, grâce notamment à un sublime ura nage en quart.
Du côté des garçons, longtemps moins performants sur la scène internationale que les féminines, les dernières compétitions semblent rééquilibrer les débats. Après des jeux olympiques où les masculins se sont illustrés, en individuel comme en équipe (merci Joan Benjamin), cette édition 2024 du Grand-Slam de Paris a permis d’offrir une première sélection à ce niveau pour certains jeunes. Et ils ont su s’en montrer dignes.
-60 kg
Pour son premier Grand-Slam, Enzo Jean a conquis le public par sa détermination dès son premier combat. Engagé dans un duel serré avec l’Espagnol Barroso Lopez, il parvient à trouver la faille à 4 secondes du terme pour s’imposer par la plus petite des marques.
Pour son quart de finale, il trouve un autre français sur son chemin, Cédric Revol, tombeur du Mongole Nyamsuren au tour précédent. Le yuko vainqueur est cette fois ci au crédit de Revol, qu’il parvient à conserver au bout du temps réglementaire.
Fortunes inverses pour les deux lors de leur combat suivant, puisque Revol perd en demi-finale face au Japonais Sekimoto quant Jean se défait du Coréen Choi après 8 minutes de combat de repêchage. Ils pourront donc chacun prétendre à une médaille de bronze en fin de journée.
Le dernier engagé, Romain Valadier Picard, continue de monter en puissance du haut de ses 22 ans. Sur ses deux premiers combats, il se montre très actif comme à son habitude, cherchant à faire tomber avec ses techniques favorites, yoko tomoe nage et tai otoshi. C’est néanmoins du sol que viendra les deux fois la solution, grâce à un travail précis et intensif pour débloquer la clé de bras. En demi-finale, c’est par accumulation de pénalités qu’il parvient à écarter son adversaire, s’ouvrant la voie pour un premier titre en Grand-Slam.
L’un des benjamins de cette équipe de France, Kelvin Ray, 19 ans, se montre particulièrement mobile et offensif lors de son premier combat et pousse son adversaire à la faute trois fois pour l’emporter par hansokumake. Même schéma lors de son deuxième combat, mais cela ne suffira pas en quart de finale contre le médaillé européen belge Verstraeten. Après avoir fait jeu égal pendant près de 4 minutes, le Français craque et encaisse un yuko à une poignée de seconde de la fin du combat. Le manque d’expérience sera encore fatal en repêchage puisque, par envie et naïveté, il se jettera dans une attaque que son adversaire ouzbek attendait pour contrer. Il faudra donc se contenter d’une 7e place pour lui, ce qui reste néanmoins une très belle performance.
-66 kg
Une réussite à 50 % pour les engagés. Kévin Azema et Romaric Bouda échouent chacun au stade des 8e de finale, sans repêchage possible, malgré de beaux combats.
Daikii Bouba et Walide Khyar parviennent de leur côté à remporter leur partie de tableau et à se hisser en demi-finale. Le premier réalise un petit exploit en sortant un Japonais en moins de 30 secondes de combat, et le champion d’Europe en titre pour s’ouvrir les portes de la finale. Le second bute contre l’Azerbaidjanais Pashaev et devra en passer un autre, Yelkiyev, pour pouvoir repartir en bronze.
-73 kg
Les sélectionneurs ont fait le choix de la variété, en retenant des combattants expérimentés comme Benjamin Axus, 30 ans et vice-champion de France en titre, et de jeunes pousses comme Peter Jean, 19 ans, en bronze lors du dernier championnat national.
Malheureusement pour ces deux athlètes, la compétition s’arrête prématurément. Le premier, dans son style habituel unilatéral, est poussé dans le golden score lors de son premier combat. A deux shidos partout, il semble encore plus frais et capable de prendre l’ascendant mais fini par en encaisser une troisième après 4 minutes 43 de prolongation, lui faisant perdre le combat. Le second se retrouve opposé au multimédaillé kosovar Gjakova pour ses débuts, et subit un uchi mata limpide illustrant le niveau pour le moment trop élevé.
Les bonnes surprises viendront de Orlando Cazorla et Maxime Gobert, également sur le podium lors des derniers « France ».
Cazorla commence face à un judoka libanais, et montre une belle maîtrise au sol avec une immobilisation puissante. Sur le combat suivant, il est d’abord mené d’un waza ari avant de répondre avec un superbe ippon grâce à un o-soto-gari en deux temps. La suite se complique puisqu’en quart de finale il est en difficulté en début de golden score puisque mené de deux shidos. Obligé de se livrer, il finit par se faire piéger par le kata guruma bien exécuté de son adversaire Manuel Lombardo, champion du monde 2018. Pas plus de réuissite lors du combat de repêchage où il encaisse un waza-ari qu’il ne parviendra pas à remonter.
Gobert connait le même parcours, écartant le Kosovar Cena sur un superbe mouvement de hanche en premier lieu, avant de devoir s’employer sur le combat suivant. Opposé au médaillé mondial géorgien Shavdatuashvili, il recolle d’abord au score à 3 secondes de la fin, puis place un superbe uchi-mata dans golden score pour décrocher sa place en quart. Il s’y incline malheureusement d’un petit shido, encore dans le golden score. Le repêchage lui sera plus favorable que son compatriote puisqu’il mettra ippon au Coréen Bae pour se qualifier pour la place de 3 contre le même Lombardo.
Les phases finales
Chez les féminies d’abord, Boukli fait face dans sa finale à la Japonaise Kondo et son style agressif. Un combat néanmoins équilibré, comme en témoigne l’absence de shido de part et d’autre au début du golden score. Cependant, après 7 minutes et 36 secondes de lutte acharnée, la Française craque au sol et s’incline sur immobilisation, l’obligeant à se contenter de la médaille d’argent.
Avec 3 françaises sur les trois derniers combats de la catégorie, on pouvait espérer voir autant de drapeaux au-dessus du podium des -57 kg.
Ophélie Vellozzi commençait bien face à Liparteliani, marquant waza-ari avec un osoto-gari, poursuivi au sol. Malheureusement, l’immobilisation ne tiendra pas le temps nécessaire mais la française gardera son avantage jusqu’à la fin du chronomètre pour s’emparer du bronze.
Sur le tapis d’à côté, Mokdar avait plus de mal à prendre le dessus sur son opposante, la Japonaise Fuchida. Malgré une bonne attitude, la Nippone trouve la faille et parvient à l’immobiliser, un petit peu contre le court du combat.
Enfin en finale, le public de l’AccorArena aura vibré grâce au superbe sasae de Martha Fawaz sur Nelson Lévy. Un geste sublime, qui offre une nouvelle médaille en Grand-Slam à la Française de 22 ans, quelques mois après Tokyo.
Dernière catégorie de ce premier jour, les -63kg voyaient Melkia Auchecorne débuter les combats du boc final contre Megu Danno, battue par Manon Deketer en demie. La Japonaise se montrait difficilement saisissable et résistante aux assauts de la Française. Malgré tout, cette dernière réussi à faire monter les shidos chez son adversaire qui se retrouvera sanctionnée par un hansokumake après une fausse attaque.
Une autre médaille était garantie dans cette catégorie avec la présence de Manon Deketer en finale, face à l’autre Japonaise, Haruka Kaju. Dans un combat fermé, où les deux athlètes ont été sanctionnées deux fois chacune assez rapidement, Deketer commet l’erreur de vouloir sortir du tapis pour ne pas risquer la confrontation en ne waza, obligeant l’arbitre à lui infliger une troisième pénalité, synonyme de défaite.
Côté masculin, le public parisien a encore la chance de voir des combattants tricolores dans chaque combat du bloc final des -60 kg. Dans son duel pour le bronze face à Verstraeten, Enzo Jean ne se laisse pas impressionner. A l’issue d’une séquence qui aura vu les deux combattants remonter du sol en tachi waza, et en l’absence de mate de l’arbitre, le Belge s’est retrouvé projeté les épaules dans le tapis par un ura nage surpuissant.
Dans l’autre combat pour le bronze, Revol a multiplié les attaques sans succès face à l’Ouzbek Boturov, déjà tombeur de Kelvin Ray. Le combat s’est prolongé en golden score, où Boturov arrive à placer un contre, faisant envoler la médaille pour le français.
Pour la grande finale, Romain Valadier Picard s’avançait sans peur face au Japonais, tant il avait produit un judo efficace depuis le début de la journée. Comme à son habitude, il a imposé un rythme intense, variant les attaques. C’est d’abord sur un uchi-mata ken-ken qu’il marque un premier waza-ari, avant de parti sur un seoi qui semble tourner à l’envers mais permet tout de même de coller le Nippon sur le dos pour un second waza-ari.
En -66 kg, pour la petite finale, le combat entre Khyar et Yelkiyev a débuté sur les chapeaux de roues. Après seulement 40 secondes de combat, trois shidos avaient déjà été distribué. Et c’est sur un magnifique petit fauchage intérieur que le Français a pris le meilleur sur son adversaire, avant la mi combat.
Autre Français et autre Azerbaidjanais pour la finale, où Daikii Bouba retrouvait Pashayev. Le Français se montrait très mobile tout au long du combat, cherchant l’ouverture face à un adversaire tactique. Malgré son dynamisme, il fini par se faire contrer pour yuko, laissant son adversaire gérer stratégiquement l’avantage jusqu’à la fin du combat.
Maxime Gobert en -73 kg, seul rescapé dans les phases finales, devait passer le copieux obstacle Lombardo pour repartir médaillé. Loin d’être transcendant dans ses combats précédents, l’Italien reste un combattant d’expérience duquel il faut se méfier. Mais, à l’image de Benjamin Gaba cet été, la victoire reviendra au Français grâce à un kata guruma « sorti de nul part », en conclusion d’une superbe journée.
A l’issue de cette première journée, la France figure en deuxième position au classement des médailles, derrière le Japon et ses trois médailles d’or. Les catégories lourdes du dimanche pourraient permettre à la France de bouleverser ce classement grâce aux olympiques Alpha Djalo et Maxime-Gaël Ngayap.